Ces jeunes, comme d’autres avant eux, terminent leur année scolaire avec de solides bases consolidées par le travail chez les maîtres d’apprentissage.
Nombre de vignerons et ouvriers viticoles ont appris leur métier dans le centre de formation vini-viticole, qui dépend des EPL Campus Terres de l’Aube. Un établissement qui s’apprête à relever encore bien des défis.

« Ce ne sont pas seulement les 30 ans d’un bâtiment que nous fêtons, souligne Stephen Bonnessœur, directeur des EPL (établissements publics locaux) Campus Terres de l’Aube, mais c’est la fierté et la résilience du vignoble champenois aubois au travers de sa grande histoire dans laquelle est inclus l’appareil de formation viti-vinicole. »
Et de citer un point commun, la « lutte pour son existence et son développement », une lutte « collective et pacifique », faisant référence à la révolte de 1911 et la restructuration du vignoble aubois grâce à des hommes engagés qui ont ensuite très vite compris que « la clé de l’émancipation, de la reconnaissance, de la spécificité et de la valorisation du vignoble aubois » était la formation aux techniques viticoles et œnologiques. Cette formation a commencé dans les années 50 avec les enseignants itinérants.

De l’itinérance au départ

Le Barséquanais : Marc Bélorgeot fut de ceux-là et à l’origine de l’implantation du centre de formation viticole il y a une trentaine d’années. Instituteur itinérant agricole dès 1958, il relevait de l’Éducation nationale. « Il fallait avoir son CAP d’enseignement, un diplôme d’enseignement agricole après un stage d’un an en école d’agriculture », se souvient celui qui a succédé à M. Marc. L’enseignement se faisait dans des salles mises à disposition dans les communes des Riceys, Essoyes, Vendeuvre-sur-Barse (centres secondaires) et Bar-sur-Seine (centre principal), à raison de quatre heures le matin une fois par semaine, à une quinzaine d’élèves, comme il le raconte. « Les élèves, de 14 à 17 ans, devaient avoir un contrat d’apprentissage agricole » , précise-t-il. En 1961, Marc Bélorgeot a fait son service militaire – dans les commandos – et a perdu de ce fait sa titularisation, laissant la direction du centre de Bar-sur-Seine à Claude Houël.

L’évolution de l’enseignement agricole

L’enseignement agricole a évolué.

Les cours post-scolaires sont devenus des cours professionnels polyvalents ruraux et des cours féminins se sont adjoints. À la lueur des réformes dont la loi sur l’apprentissage dans les années 70, des établissements sont nés, relevant du ministère de l’Agriculture.
L’enseignement viticole fut dispensé dans des préfabriqués, route de Merrey, à Bar-sur-Seine. « Presque tous les centres de formation agricole sont nés comme ça ! », sourit Stephen Bonnessoeur. Mais la formation a vraiment pris son essor avec la construction d’un bâtiment pour installer le CFA, collant au développement du vignoble aubois et de la coopération. « C’est Jean Weinling, maire, et moi-même qui avions cette idée de construction à Bar-sur-Seine pour développer la formation. Nous avons fait en sorte que cela prenne forme » , se remémore Marc Bélorgeot, citant quelques anecdotes au passage.

De haute lutte

À la retraite de Claude Houël, en 1993, il devint responsable de ce qui était une antenne du CFA de l’Aube et du CFPPA (formation pour adulte) de Saint-Pouange. « Je n’ai guère profité des bâtiments modernes », soupire-t-il, préférant se focaliser sur les bons souvenirs de cette période ou encore la coopération avec les professionnels et la corporation des vignerons de Champagne qui délivrait la certification d’aptitude à la taille, encore aujourd’hui essentielle.

Stéphen Bonnessoeur, pour sa part, a rappelé le rude combat contre nos voisins marnais d’Avize qui pensaient que leur établissement suffisait. « In fine, la raison l’a emporté ! », a-t-il ponctué, saluant la construction, puis le développement des formations non sans mal, jusqu’à un pacte de « solidarité » entre Marnais et Aubois pour « sauvegarder l’offre de formation barséquanaise ».

Une nouvelle ère

Le directeur situe la « renaissance » de ce centre, en cette année scolaire 2022-2023, avec le rapatriement des cours de formation générale sur le site barséquanais, et la nomination d’Émilie Urbes comme responsable.
« Se former, vivre et travailler au pays », la formule qui lui tient à cœur, peut s’exercer avec le concours du lycée des métiers Val-Moré et la Ville de Bar-sur-Seine.

Et de prédire une « nouvelle ère » pour ce seul centre de formation vini-viticole de l’Aube qui accueille aussi des jeunes du Nord de la Bourgogne, entraînant même quelques problèmes de place à résoudre. « C’est une ère de conquête de nouveaux publics pour répondre aux besoins croissants du monde viticole aubois », affirme Stephen Bonnessœur.
C’est ainsi que de « nouvelles formation courtes et ciblées » sont annoncées en lien les enjeux numériques en viticulture ou les modifications profondes de systèmes de productions, en réponse au changement climatique ou pour préserver la biodiversité. « Pour cela, nous sommes armés, mais nous devons renforcer de nouvelles compétences », précise-t-il, félicitant les équipes actuelles, les deux chevilles ouvrières que sont Émilie et Carine, et l’ensemble des acteurs du site et de l’EPL.

« Une institution qui incarne l’excellence, l’innovation, le savoir-faire »

La petite structure a bien des qualités, et va donc grandir relevant les défis qui s’offrent à elle.

« Une institution qui incarne l’excellence, l’innovation, le savoir-faire », pour le maire de Bar-sur-Seine, Dominique Baroni, qui salue les centaines de jeunes déjà formés, préparés à « devenir de futurs artisans de notre patrimoine viticole ».
« Vous avez beaucoup de chance, vous êtes formés à un beau métier qui peut vous emmener très loin. Vous portez l’avenir du territoire et du champagne. La formation est un long compagnonnage. N’oubliez pas d’où vous venez, et rendez votre formation », a glissé la présidente du conseil d’administration du Campus, Annie Duchêne, aux jeunes présents pour fêter les 30 ans avec les invités, partenaires et maîtres d’apprentissage, vendredi soir.

Source : Est-Eclair édition du 05 Mai 2023 Sylvie Virey