Benoît Doussot dans le chais tout neuf qu’il a fait construire à Landreville. Avant la vendange 2023, son activité était éclatée sur quatre sites différents. Désormais, de la réception des jus à l’expédition des bouteilles finies, tout se passe dans un seul lieu.

Clandestin a enfin son adresse officielle. Difficile, en tout cas, de manquer son nouveau bâtiment.

Assise à flanc de coteau, la structure de bois et de béton domine le village de Landreville. Le négoce 100 % bio et 100 % Côte des Bar dirigé par Benoît Doussot n’est pas exactement un petit nouveau dans le paysage champenois. Né en 2015, avec deux vignerons partenaires et 1,6 hectare d’approvisionnements, il a grandi tranquillement, sans chercher à brûler les étapes. En 2016, un troisième vigneron apporte ses raisins. En 2019, ils sont six, pour autant d’hectares d’approvisionnements.

En 2022, la douzaine d’hectares est atteinte et, en 2023, Clandestin vinifie 13 hectares apportés par neuf vignerons.

De quatre sites à un seul

Mais pour continuer de grandir, il était temps qu’il dispose de son lieu à lui. Jusqu’ici, toute l’activité du négoce était éclatée sur quatre sites différents : deux caves à Landreville, le dégorgement et les expéditions à Buxières-sur-Arce et les bouteilles de moins de quinze mois à Buxeuil, une des deux caves de Landreville et le site de Buxeuil étant « prêtés par des amis », glisse Benoît Doussot dans un sourire.

Mais, comme pour le reste, il ne fallait pas brûler les étapes. Benoît Doussot voulait « faire progresser Clandestin dans les raisins et dans les vins avant d’investir dans le bâtiment ». Pas question, pour le jeune vinificateur, de créer une cathédrale : ça aurait « freiné le développement ». Au contraire, « dans ce sens-là, quand tu fais ton bâtiment, tu connais tes besoins et tu fais en fonction, plutôt que de te lancer dans un bâtiment et de te rendre compte, après coup, que tu ferais bien un peu plus de fût… »

Une cuverie inertée à l’azote

Il faut dire que le fût, ici, c’est un incontournable : Clandestin s’est fait une spécialité de l’élevage sous bois, avec une appétence pour les fûts de 500 ou 600 litres (même si, en cherchant bien, on trouve quand même quelque 228 litres).

Alors, tant qu’à faire, autant concevoir dès le départ un lieu qui correspond à ces besoins spécifiques. Le bâtiment, sur deux étages, est conçu pour éviter les pompages au maximum.

Dans la cuverie, on trouve bien une pompe péristaltique à galets mais « tout le reste se fait en poussant avec de l’azote ». Azote, d’ailleurs, qui sert aussi à l’inertage des cuves, Benoît Doussot n’étant pas un inconditionnel des cuves à chapeau flottant. Les cuves, elles-mêmes, sont spécifiques, avec « une surface d’échange calorifique doublée ». La régulation thermique est fondamentale, selon Benoît Doussot : « Avec un jus descendu à 14 ºC avant fermentation, la musique est différente », explique-t-il. « Les cinétiques fermentaires sont totalement différentes… à température plus faible, on peut faire des fermentations plus longues. »

Gravité, quand tu nous tiens

Le trajet des jus est pensé en fonction de la gravité. Au premier niveau, on trouve les 130 mètres carrés de cuverie, aménagés pour permettre un passage au froid naturel, une double porte ouvre sur le chai de 350 mètres carrés, avec son pont roulant pour faciliter la manutention des fûts, dont une majorité de contenants de 500 ou 600 litres.

Au second niveau, on trouve toutes les étapes de la mise à l’expédition. Le fait d’avoir de la place dans la cuverie présente l’avantage de donner à Benoît Doussot la place d’ajouter une étape : la prise de masse.

Une fois réalisés, les assemblages se reposent six mois en cuve pour mieux se fondre. Avec cette nouvelle étape, il faut compter 45 mois du raisin à la bouteille, ou plutôt : du moût à la bouteille, parce que Clandestin, pur négoce sans vigne à soi, n’a pas de pressoir.

Tous les étages du kimméridgien

Ne pas avoir de vignoble, c’est « une fragilité », concède Benoît Doussot. Mais, « toute la liberté du négoce, c’est de sélectionner ce qui t’intéresse chez chacun de tes partenaires », ajoute-t-il.

C’est ainsi que sont nées les cuvées « Boréal », puis « Austral », issues de pinots noirs sur le deuxième étage du kimméridgien orientés soit au nord, soit au sud… Et quelle différence entre la charge saline de « Boréal » et le fruité gourmand et charnu de son compère « Austral » ! Un autre exemple ?

« On a réussi, sur un seul parcellaire de trois hectares, à sélectionner des pinots noirs du même âge et tous montés sur 41B (la variété de porte-greffe, NDLR) répartis sur les trois étages du kimméridgien… » En 2022, puis à nouveau cette année, chaque étage, KM1, 2 ou 3, est vinifié séparément, « toutes choses égales par ailleurs… ». On attend le résultat avec impatience.