Au pressoir de Clément Piconnet, à Buxeuil, lors de la vendange 2022. Les raisins sont chargés par le haut dans le pressoir, un coquard automatique à plateau incliné qui produit des jus très purs. – Archive YT

Cette fois, ça y est. Les grappes de pinot noir ont été coupées du cep ; elles ont atterri dans le seau, le seau a été vidé dans une caisse et la caisse, elle, a été chargée sur une palette, au bout de la parcelle. La palette a été chargée sur un enjambeur et l’enjambeur a pris le chemin du pressoir. Les caisses y ont été déchargées sur le quai pour être pesées avant d’être empoignées par les chargeurs, qui les ont vidées dans le pressoir, un vertical traditionnel en bois ou un de ces monstres de métal à membrane, c’est selon.

Et là, les raisins à la peau noire ont été pressés pendant trois à quatre heures, parfois plus, quand les baies ont des peaux plus épaisses.

68 % de raisins noirs en Champagne

Le résultat, pour quatre tonnes de raisin (ce qu’on appelle un marc), c’est 2 550 litres de jus blanc qui seront utilisés pour faire du champagne. Enfin, quand on dit blanc, au début, tout ça est légèrement rosé, souvent un peu trouble. N’empêche. À la fin, le champagne, c’est blanc. Plus exactement, plus de 90 % des vins de base qui servent à le produire sont des vins blancs. Et c’est fait avec au moins deux tiers de raisins à peau noire : le Pinot Noir et le Meunier.

Ces deux cépages, à eux deux, représentent 68 % du vignoble champenois. L’Aube, elle, compte pas moins de 82 % de Pinot Noir.

En réalité, tous ces raisins à peau noire ont le cœur blanc. Les raisins à jus rouge existent, on les connaît souvent sous le vocable de « teinturier ». On connaît, par exemple, un gamay teinturier, cousin du gamay à jus blanc.

Mais ils donnent rarement des vins de qualité, commente Michel Parisot, le chef de caves de l’Union auboise, la coopérative régionale de la Côte des Bar« Les raisins de qualité sont toujours des raisins à jus blanc », complète-t-il. Et comment fait-on, justement, pour faire du vin blanc avec des raisins noirs, même à jus blanc ? Après tout, c’est avec ces mêmes raisins qu’on fait du vin rouge. La question amuse Michel Parisot.

Les anthocyanes, qui donnent leur couleur à ces raisins, sont concentrées dans la peau des baies. C’est d’ailleurs en les faisant macérer qu’on obtient des vins de couleur (on vous explique ça plus loin). En d’autres termes, « si on presse tout de suite, la pellicule n’a pas le temps de colorer le jus ».

Le pressurage champenois

La Champagne s’est fait une spécialité de ce pressurage doux et long, qu’elle a même codifié très précisément dans son cahier des charges. L’objectif, c’est de faire passer le moins de matière possible dans les jus. « La Champagne est sans doute la région qui a le plus travaillé sur le pressurage », note Michel Parisot, qui se souvient que « l’interprofession a énormément travaillé sur le sujet dans les années 70 », quand il était, lui, à l’école.

Le résultat, ce sont des jus technologiquement très fins, dont on a écarté les parties les plus grossières (l’auto pressurage, c’est-à-dire le jus qui s’écoule avant que le pressurage commence et qui est souvent chargé d’impuretés, et les rebêches, ces derniers litres qui sont destinés à la distillerie). Les 25,5 hectolitres de jus utilisable, eux, sont divisés entre la cuvée, 20,5 hl, et les tailles. Pour le champagne, on ne garde que le meilleur.