Photo : Vendanges à Montgueux, en 2017. Le village, qui surplombe la plaine alluvionnaire de la Seine au niveau de Troyes, est un des secteurs précoces de la Champagne.

Ce rendement d’appellation, qui implique la production, à terme, d’environ 255 millions de bouteilles, est un indicateur de la prudence de la filière dans un environnement troublé, et pas seulement au niveau économique.
9 000 kilos de raisin par hectare
Soit 255 millions de cols. Voilà le rendement d’appellation annoncé, ce mercredi 23 juillet, par les deux coprésidents de l’interprofession champenoise, Maxime Toubart et David Chatillon. Alors que la Champagne redoute la mise en application de droits de douane punitifs par les États-Unis, son premier marché en volumes comme en valeur, et que le monde du vin et, plus généralement, celui des boissons alcoolisées, subit de plein fouet une véritable crise de déconsommation, ce chiffre est l’indicateur de la prudence de la filière.
Un patient calcul
Parce qu’en Champagne, le rendement d’appellation ne sort pas du chapeau, il s’agit du fruit d’un patient calcul, qui prend en compte les expéditions de l’année (qui stagnent, pour l’instant, à 270 millions de cols et des poussières sur douze mois glissants, un peu plus bas que leur niveau de la fin de l’année 2024), le niveau actuel des stocks (1,280 milliard de cols, largement supérieur à l’équivalent de quatre ans d’expéditions à l’heure actuelle, soit au moins un an de trop), les prévisions d’atterrissage pour l’année suivante (et, même, sur six ans, comme l’explique David Chatillon) et la conjoncture économique générale, le champagne, boisson de la fête et des moments d’exception, étant largement dépendant du moral des consommateurs.
La désirabilité
De leur moral, et de leurs moyens économiques. Les augmentations de prix généralisées, particulièrement marquées depuis la crise du Covid, ont sans doute également entamé le potentiel de séduction du champagne, qui traverse une crise de désirabilité. Un point que Maxime Toubart met en lumière depuis plusieurs mois. « À Paris, sur les terrasses, il faut qu’on boive du champagne ! », insiste le président du Syndicat général des vignerons.
Bien sûr, ce rendement annoncé est aussi un compromis entre le niveau de santé économique des différents acteurs du vignoble. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’il correspond « à un léger déstockage » , note Maxime Toubart : en prévoyant une production de 255 millions de cols, la Champagne cherche en effet à taper dans les stocks pour les diminuer un peu, sans doute de 15 à 20 millions de bouteilles, si les expéditions conservent leur rythme actuel.
Des vendanges en août ?
Avec un rendement de plus de 9 000 kilos, les maisons de négoce auraient sans doute eu du mal à financer ces stocks. Comme le note David Chatillon, « une bouteille vendue de moins, c’est trois bouteilles de trop à la cave » , puisque la champagne a des temps de production relativement long (18 mois au minimum, mais trois ans est une bonne moyenne). Moins, les problèmes auraient été du côté du vignoble, dont les coûts de production, fermage ou prestation, ne sont pas anodins.
Désormais, la Champagne se prépare à de nouvelles vendanges au mois d’août, dans quatre à cinq semaines.
Dans les secteurs les plus précoces (principalement dans l’Aube, avec les bas de Montgueux, certains vignobles de la vallée de la Seine et les habituelles parcelles plantées sur sols superficiels avec un porte-greffe hâtif comme le SO4), ça pourrait bien être aussi tôt que le 20 Août, sans doute au moment du ban des vendanges. Il est sans doute un peu tôt pour se prononcer plus exactement et le réseau de suivi de la maturité, qui se base sur des prélèvements volontaires, permettra d’y voir plus clair à partir de mi-août.
Huit à dix jours d’avance
Ce qui est certain, c’est que le Bulletin de santé du végétal, publié par la Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (la Draaf, en d’autres termes), donne toujours « huit à dix jours d’avance » au vignoble. Quant au rendement agronomique potentiel, il est de 11 000 kilos par hectare. Ça ne fait pas beaucoup de gras pour remettre dans les réserves, fortement entamées l’année dernière, mais tout est bon à prendre.