Photo : Dans les vignes de la maison Gustave Goussard, la plupart des vendangeurs sont originaires d’Italie.
Ils sont italiens, polonais, allemand et ils ont choisi l’Aube pour faire les vendanges. Novices ou habitués, les travailleurs étrangers représentent une part non négligeable des recrutements.
100 000, voilà le nombre de vendangeurs dont la Champagne a besoin chaque année. Une main-d’œuvre impossible à trouver seulement dans la région, et les vignerons étendent leur recherche à des frontières qui dépassent parfois celles de la France.
Chez la maison Champagne Drappier, sur la centaine de vendangeurs accueillis cette année, environ 80 sont polonais. Une histoire franco-polonaise qui dure depuis quarante ans et se transmet de génération en génération. Michel Drappier explique que les vendangeurs d’aujourd’hui sont parfois les enfants de ceux d’hier : Casimir n’avait que 26 ans lorsqu’il est venu pour la première fois, il en a désormais 62.
Plusieurs années en arrière, l’équipe comprenait aussi des Espagnols, des Italiens, mais Michel Drappier remarque désormais une augmentation du nombre de travailleurs venus d’Europe de l’Est : « L’histoire de la maison reflète l’histoire de l’immigration en Europe » , conclut-il.
La plupart du temps, le contact entre vignerons aubois et vendangeurs étrangers se fait grâce au bouche-à-oreille. Chez Champagne Gustave Goussard, l’équipe est composée de 9 Italiens venus de Naples, Milan et Rimini, tous amis avec les vendangeurs de l’année dernière.
Dans le réfectoire tout juste rénové de la maison Drappier où il vient de manger un petit salé aux lentilles, Marcin – un des vendangeurs polonais de la maison Champagne Drappier – affirme : « Chaque année, c’est mieux. » Car telle est la clé de la fidélisation des travailleurs : une bonne réputation quant aux conditions d’accueil. Les maisons de Champagne citées offrent le gîte et le couvert à leurs employés et fournissent une aide au transport. De quoi faciliter la venue de ceux qui font parfois plusieurs jours de voyage pour se rendre dans l’Aube, 1 500 km pour venir de Pologne.
Quelles motivations ?
Sans emploi, Jacomo est venu d’Italie et en a profité pour faire les vendanges à Avirey-Lingey au sein de la maison Champagne Goussart. Une motivation d’abord financière, que Simone partage : « Pour le même travail, on gagne beaucoup moins en Italie. » Presque 12 euros de l’heure pour des vendanges en France contre moins de 10 euros en Italie. En Pologne, Marcin est pompier mais il prend chaque année des congés au moment des vendanges pour gagner un complément de revenus.
Toutefois, c’est aussi l’occasion pour certains de voyager, Simone dit aimer fuir la chaleur de l’Italie pour quelques semaines, mais aussi de changer d’air dans une ambiance bon enfant, Marcin parle d’une impression de « colonie de vacances » . Quant à Aurel – vendangeur allemand au sein de la maison André Beaufort et assistant pour personnes handicapées le reste de l’année – il évoque le plaisir de quitter Berlin et de profiter de l’air de la campagne pour quelques jours.
Michel Drappier qui avait accueilli ses vendangeurs par quelques mots en polonais avait aussi déclaré : « Si vous n’étiez pas là, il n’y aurait pas de champagne » , des remerciements appréciés qui créent une reconnaissance et une confiance mutuelle entre récoltants et vignerons, peu importe leur nationalité.