Des êtres, des convictions, un terroir, un savoir-faire : comment la Côte des Bar a su s’imposer dans le Champagne ?
En marge des dégustations en caves et animations festives, la Route du champagne permet également d’en apprendre plus sur l’histoire des vignerons de la Vallée de la Seine et leur lutte qui produit, aujourd’hui encore, ses effets sur le terroir.
La Route du champagne, ce n’est pas que des dégustations de caves en caves. Certes, c’est l’idée générale. Mais au-delà de la simple découverte gustative des cuvées élaborées par les vignerons de la Vallée de la Seine, il y a aussi des histoires, des hommes et des femmes de conviction et de labeur qui ont conquis – parfois de haute lutte – leur droit à produire du Champagne.
Héritage pas seulement foncier
Une histoire qui se mêle donc intimement au terroir et à ceux qui en sont les acteurs. C’est avec cette idée en tête que Claire Cottet, vigneronne à Courteron et vice-présidente de l’association Cap’C, a tenu à travailler avec l’historien Serge Wolikow. « J’ai repris l’exploitation familiale il y a 10 ans. Je suis une enfant du village de Courteron et je suis très attentive à mon territoire et ses acteurs. On apprend souvent et beaucoup des autres. Je voulais qu’on travaille avec Serge sur des figures locales mais aussi sur la notion d’héritage et pas seulement dans le sens foncier. Nous, vignerons paysans, partageons également des valeurs, des traditions et des savoir-faire qui se transmettent sur le territoire, même si on essaie de se diversifier » , explique l’exploitante qui rappelle également que les villages de la Vallée de la Seine situés en Côte des Bar ont souvent été pionniers en matière environnementale avec la biodynamie ou la réintroduction de certains cépages.
La Révolte de 1911
La Route du Champagne était donc le cadre idéal pour une restitution d’une partie des travaux de Serge Wolikow, qui fêtait également son anniversaire hier. Il en a profité pour rappeler comment, à un moment de son histoire personnelle et professionnelle, il s’est impliqué dans l’histoire du Champagne avec son épouse Claudine. Un moment qui ne peut entrer qu’en résonance avec les villages de la Vallée de la Seine puisqu’il s’agissait du centenaire de la révolte des vignerons de 1911. « C’est vraiment là qu’avec Claudine, on s’est intéressé à l’événement. On avait beaucoup de documents iconographiques comme des photos ou des cartes postales, mais très peu de choses sur le déroulé des événements. À l’époque, beaucoup de vignerons avaient tourné la page de cette période. Or, ce centenaire a suscité un véritable engouement. »
Pour remettre les événements dans leur contexte, il faut rappeler que le secteur concerné se situe au sud de la Champagne. « Forcément pour les Rémois, à 180 km de là, c’est loin. Les Aubois ont dû se battre pour intégrer l’appellation champagne et la dénomination Côte des Bar qui n’a longtemps été considérée que comme un vignoble de seconde zone. Or, elle fait partie intégrante des régions qui constituent la zone champagne au même titre que la Montagne de Reims, la Côte des blancs ou la Vallée de la Marne. »
Mais l’historien poursuit en rappelant que dès que les vignerons aubois ont gagné le droit d’être intégrés à la zone champagne, ils ont immédiatement fait une grande fête. « Aujourd’hui, cet esprit de la fête se retrouve dans la Route du Champagne qui a été relancée il y a 30 ans. »
L’Histoire, pas la nostalgie
Cet aspect festif ne doit pas faire oublier un autre aspect né de cette lutte de 1911. Cette dernière a petit à petit, au fil des années, poussé à la création des vignerons récoltants-manipulants qui, pour ne plus dépendre des grandes maisons de champagne marnaises ont replanté des cépages, se sont organisés en coopérative, décidé de créer des cuvées puis ont créé des assemblages pour finalement parvenir à la naissance du « Champagne de vigneron » qui ne dépend pas d’un nom prestigieux mais découle d’un savoir-faire qui se transmet, mais aussi évolue, avec les générations. « Il y a parfois un penchant nostalgique qui fait dire que tout était mieux avant. Mais ce n’est pas forcément vrai. Revenir au temps de grandes maisons de Reims qui envoyaient leur courtier chez le vigneron aubois. Courtier qui décidait de prendre, ou pas, votre récolte. Quand vous étiez le vigneron à qui on ne prenait pas, vous faisiez comment à l’époque avec votre raisin sur les bras ? L’histoire, à la différence de la nostalgie, est là pour donner envie d’aller de l’avant » , a rappelé l’historien en guise de conclusion.
Une leçon que les vignerons de la Vallée de la Seine ont su mettre à profit vu le succès rencontré par cette Route du Champagne en fête 2024.

Serge Wolikow a travaillé sur la transmission des savoirs dans les familles de vignerons, un aspect qui tient particulièrement à cœur à Claire Cottet de Cap’C, vigneronne à Courteron.