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« Quelle dinguerie, bon sang, pour achever cette première semaine du Tour de France, la peau décollée de frissons, cette sensation de flotter dans un monde parallèle, portés par une ivresse magnifique.

Les murs de poussière

Inédits sur le Tour de France, les chemins blancs ont rythmé toute la neuvième étape hier, au fil de quatorze secteurs et trente-deux kilomètres dans les cailloux et la craie.

Nous étions à peine sortis de ce labyrinthe démoniaque de chemins de vignes, de tortillons de villages étroits, de petites côtes vachardes, les joues dorées comme les blés qui coiffent les crêtes autour de Troyes, les gorges asséchées par les nuages de poussière, les caboches en vrac alors que, dans nos rétroviseurs, cela faisait plus de 150 km que les excités sur roues se mettaient d’énormes peignées, et voilà qu’Anthony Turgis nous cueille d’un dernier uppercut, celui du K.-O., et envoie tout le monde en protocole commotion.

Le dénouement d’une journée folle, tellement en phase avec ce Tour de France, ses projecteurs braqués sur ses figurants, leur humanité, leur revanche sur leurs carrières tourmentées. Des histoires belles, simples qui parlent à tous ces gens rassemblés au bord de la route et autour de tentes qui fument, à la recherche d’un bonheur collectif, d’un chavirement.
La victoire d’Anthony Turgis est celle d’un besogneux et d’un méchant coureur, un des cinq meilleurs coureurs français sur les classiques depuis dix ans, l’un des plus constants. Cela faisait des années qu’il faisait face au vent d’hiver, un rayon d’été l’a enfin désigné pour lui offrir la grande victoire qu’il cherchait depuis longtemps.

Et qu’il est allé cueillir au milieu de ce tourbillon d’une main sûre, alors que tout devait se bousculer dans sa tête. Parti dans la bonne échappée à plus de 150 km de l’arrivée,
Turgis a su manœuvrer avec sang-froid, encore lucide alors qu’il venait de passer plus de 4 heures dans une machine à laver. »

Article d’Alexandre Roos du Journal l’Equipe – Edition du 08 Juillet 2024

Les chemins blancs de la Côte des Bar, une étape déjà mythique…

« Les machines à laver vont tourner sans s’arrêter aujourd’hui pour les coureurs, les spectateurs et les suiveurs, suivant la bénédiction d’une journée de repos sur le Tour, mais le moulin des souvenirs va continuer à tournicoter quelque temps dans nos têtes friandes de nouvelles expériences.

Cette étape inédite tracée entre Troyes et Troyes, ces quatorze secteurs estampillés « gravel », ces trente-deux kilomètres de blancheur au milieu des vignes champenoises ou des champs de coquelicots, ont émerveillé la caravane et offert des images folles.

Les chemins blancs sont apparus sur le Tour de France pour la première fois et il y a fort à parier qu’on soit nombreux à désormais les réclamer régulièrement. »

Thomas Perotto – Journal l’Equipe – Edition du 08 Juillet 2024

Copyright photo : Journal l’Equipe – Edition du 08 Juillet 2024